Il y a quelques semaines, j’ai couvert le concert de Benjamin Biolay à l’Aéronef. Un super concert, de ceux que je retiendrai comme un des tout meilleurs de l’année 2017. Pourtant, vous ne verrez aucune trace sur ce site d’une quelconque photo de concert réalisées à cette occasion. La raison ? Les photos étaient à faire valider par la production et ne pouvaient être publiées que sur un média, celui pour lequel était demandé l’accréditation. En l’occurrence je couvrais le concert pour les copains d’indiemusic.fr et vous pouvez lire mon texte et voir les photos validées sur ce site.
Le plus drôle dans l’histoire est que nous étions ce soir-là trois photographes accrédités et que je suis celui qui a eu le plus de photos validées : 4 ! Dont une de la bassiste de Benjamin Biolay.
En fait, le plus drôle était en réalité la chose suivante : quelques années plus tôt seulement, j’avais photographié le concert de Benjamin Biolay au 106 de Rouen sans le moindre contrôle préalable ou restriction à mon droit de propriété intellectuelle.
Mais Benjamin Biolay est loin d’être un cas isolé, et je serais curieux de savoir dans quelles proportions les artistes sont demandeurs de ce type de contrôle. En tous les cas, à longueur d’années, on rencontre des artistes français pour lesquels les conditions photo impliquent soit la signature d’un contrat restreignant les droits du photographe, soit la validation des photos avant publication, ou encore la cession à titre gratuit des photos au bénéfice de l’artiste.
Autre illustration assez étrange : le groupe Last Train. J’adore ce groupe ! Et j’ai eu l’opportunité de les photographier 6 fois au cours des deux dernières années. La première fois j’ai pu shooter le groupe dans des conditions normales. Puis, quelques mois plus tard, il a tout à coup fallu faire valider les photos avant publication. Ceci dit, la validation se passait sans problème, au moins pour moi, avec 100% des photos validées et un retour ultra positif du groupe via leur attachée de presse sur la qualité des images. Puis, lors d’un concert à l’Aéronef, je me suis bizarrement retrouvé comme le seul photographe à qui on avait demandé de faire valider les photos. Et j’ai dû relancer plusieurs fois pour avoir comme seul retour final : « pas de nouvelles, bonnes nouvelles. Tu peux publier. » Une semaine plus tard au Zénith de Lille en première partie de Placebo, il ne fallait plus faire valider de photos à personne. Idem en octobre dernier à l’occasion du parrainage par le groupe d’une soirée de la tournée des Inouis du Printemps de Bourges au Grand Mix. Vraiment très étrange !
Globalement, pour 90% des artistes français, dès qu’ils atteignent un minimum de notoriété, il faut faire valider les photos avant de les publier et/ou signer un contrat. Un autre exemple est Christine and The Queens, que je pense avoir été un des premiers à photographier lors d’un concert à la Lune des Pirates à Amiens (une salle de 200 places max). Quelques années plus tard, à l’Aéronef, il fallait faire valider ses photos, pour là encore se retrouver avec un nombre restreint de photos acceptées.
Pour d’autres groupes, c’est plus folklorique, comme quand Lilly Wood & The Prick passent la consigne de ne pas faire de photos de profil ou de gros plans. Ou que La Femme interdit les gros plans sur ses choristes.
Dans la plupart des cas, toutes ces demandes ne sont même pas consignées dans un contrat (qui serait de toute façon juridiquement nul au regard du code de la propriété intellectuelle) mais juste passées par mail, c’est un peu comme si elles n’existaient pas vraiment. Je serais d’ailleurs curieux de voir un label, une prod ou un artiste tomber sur une photo de concert non validée et publiée, et contacter le photographe en le menaçant d’un procès. Je veux bien parier un gros billet que personne ne vérifie jamais quelque publication que ce soit. Et les années passant, les souvenirs s’estompent, les interlocuteurs changent, et bien malin celui ou celle capable de se souvenir de ce qui a été validé ou non. Je vais même te faire une confidence : je me suis déjà assis sur une validation manifestement injuste (aucune photo de concert floue, aucune photo disgracieuse que l’artiste pourrait juger comme dévalorisant). Et je n’ai jamais eu à souffrir les foudres de qui que ce soit.
Au final, comme dirait mon collègue Emmanuel Poteau, on a l’impression qu’il est bien plus simple de shooter un groupe comme les Foo Fighters à l’Accor Hotel Arena que n’importe quel groupe français ayant sorti un album qui marche bien. Bon, ok, certains groupes américains ne sont pas les derniers pour prévoir des contrats aux clauses inacceptables, mais on saluera ceux qui sont capables de prendre le chemin inverse, comme les Rival Sons qui ont longtemps fait signer un contrat qui imposait d’envoyer une copie haute def de toutes les photos au manager avec liberté pour le groupe d’en faire ce qu’il voulait, avant de revenir à une bête consigne « les 3 premiers titres sans flash » sur leur dernière tournée.
Et on saluera surtout la démarche d’artistes, français ou non, comme Mat Bastard ou Triggerfinger, qui laissent encore les photographes shooter tout le concert sans imposer la moindre consigne.