Un filigrane, ou watermark en anglais, est une signature plus ou moins discrète apposée sur une photo pour en identifier plus facilement l’auteur. La pratique vient de la papeterie où le filigrane est un dessin qui apparaît en transparence et qui permet soit d’identifier le fabricant du papier, soit d’authentifier des documents officiels.
Avec le développement de la photo numérique, les photographes ont pris l’habitude de « watermarquer » ou filigraner leurs photos, tout à la fois pour éviter de se les faire voler par d’autres et pour faciliter la preuve de leur paternité sur un cliché.
J’ai longtemps pratiqué cela, de manière de plus en plus discrète, jusqu’à décider depuis ce mois de septembre 2017 de ne plus mettre de watermark sur mes photos.
Evolution de mon filigrane dans le temps (avec les changements de nom du site 😉 )
Christine and The Queens en mai 2012, avant le succès
M.O.N.E.Y, l’Aéronef, 13 avril 2014
Steel Panther, le Splendid, Lille, 8 octobre 2016
Certains penseront que je suis fou de ne pas protéger mes photos, et pourtant je suis aujourd’hui intimement persuadé d’avoir raison. Voici pourquoi.
C’EST INESTHÉTIQUE ET PEUT ALLER JUSQU’À GÂCHER LA PHOTO
Sans vouloir balancer sur les collègues, quand tu vois un watermark comme celui apposé sur les photos du collectif Scène du Nord (cliquer sur les photos pour voir le gros watermark en travers des images), tu peux légitimement te demander à quoi bon publier les photos ? La peur de se faire piquer une photo a clairement pris le pas sur toute velléité artistique ou de partage, et c’est bien dommage.
METTRE UN WATERMARK NE DONNE QUE L’ILLUSION D’UNE PROTECTION
Bien avant l’apparition d’Uber et du terme « uberisation » pour évoquer la ringardisation (pour le meilleur et le pire) d’une pratique ou d’un métier par les progrès technologiques, la pratique de la photo (et de la photo de concert en particulier) s’est faite uberisée par la miniaturisation et l’augmentation des performances des appareils photo numériques. On pourrait disserter longtemps du phénomène (j’en ferai sans doute un post un jour), mais de fil en aiguille c’est la valeur intrinsèque de la photographie qui a pris du plomb dans l’aile. Faire des photos est aujourd’hui à la portée de tous, bonnes ou non, et du coup une bonne photo ne vaut plus rien.
Je m’égare un peu, mais ce que je veux dire, c’est que le respect du photographe et de ses droits est aujourd’hui devenu quelque chose de très relatif, y compris pour des artistes forcément sensible à la question du copyright. Et quand tout le monde se fout de ton crédit, y compris les groupes que tu photographies, la réaction qui consistes à barder tes photos d’un gros watermark en travers est tout même une réaction de désespoir, et sans doute pas la meilleure ni la plus efficace.
Ci-dessous, une de mes premières photos de Last Train, que le groupe avait partagé sur son Facebook en prenant d’abord le temps de recadrer la photo pour faire disparaître mon watermark qui était apposé discrètement sur le bord droit de la photo. Je ne critique pas le geste, je le constate. Et au moins le groupe avec indiqué mon crédit sous la publication.
Je pourrais, au delà de cet exemple, partager plein de cas de gens ayant sauvagement retaillé mes photos pour enlever le crédit sur une publication Instagram, une bannière Facebook ou juste un post Facebook.
Du coup, pour moi, si un filigrane indiqué discrètement dans un coin sera régulièrement retiré sauvagement, et que la seule alternative est de le mettre en plein milieu du cadre, au détriment du respect artistique de la photo, je préfère ne rien mettre.
NE PAS METTRE DE WATERMARK N’EMPÊCHE PAS DE PROUVER SON BON DROIT
A partir du moment où un photographe a des tags EXIF ou IPTC sur ses photos, quand bien même ceux-ci seraient supprimés volontairement ou automatiquement sur la photo volée, il y a toujours moyen de prouver sa paternité sur le cliché réalisé (les publications originales réalisées par le photographe en ligne ou ailleurs étant un autre élément de preuve.
Et puisqu’on parle de photo volée, il faudra de toute façon être un minimum procédurier pour faire respecter son droit, la suppression d’un watermark n’étant qu’un élément de preuve comme un autre.
UN LIEN VAUT MIEUX QUE DEUX TU L’AURAS (TON CRÉDIT PHOTO)
Mon sentiment au final est que ceux qui ne veulent pas jouer le jeu trouveront toujours un moyen de ne pas le jouer. L’évolution des technologies fera que tôt ou tard il sera possible d’enlever un watermark sans même toucher à la photo. Google est déjà capable de le faire.
A l’inverse, ils sont nombreux à jouer le jeu du partage et à créditer l’auteur comme il se doit. La photo ci-dessous a été partagée sur Instagram par un compte de fans du groupe Kent. Bien que la photo ait été croppée (voir la photo originale), la simple indication de l’URL de mon site m’a valu un pic de fréquentation depuis la Scandinavie, et j’ai vendu deux tirages à des fans du groupe (dont l’un est parti en Islande).
https://www.instagram.com/p/BV7wEi5hWlE/
De même, j’ai pris l’habitude de partager en direct, pendant le concert, une photo prise à la volée (et donc forcément sans filigrane) avec l’équipe du Grand Mix qui la publie sur le compte Instagram de la salle en me mentionnant. A chaque concert, je gagne une poignée d’abonnés supplémentaires.
https://www.instagram.com/p/BapHIE_F-eI/
Alors, s’il reste toujours la frustration pour moi de voir une de mes photos faire plus de 2000 likes (dans le cas de la photo de Kent) sur un autre compte que le mien, au final ce genre de deal me semble acceptable. Quelle est l’alternative ? Des menaces de représailles qui n’aboutiraient à rien ?
En tous les cas la question du watermark devient alors très accessoire et qui peut honnêtement se vanter de connaître des cas où une personne a cherché le texte d’un watermark (illisible sur un réseau social comme Instagram) sur Google pour retrouver son site et le contacter pour lui acheter une photo ?
Tiens d’ailleurs, si vous voulez m’acheter des photos, le formulaire de contact est dans le pied de page plus bas sur ce site 😉